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Edumix…un autre regard

S’attacher à ne pas réduire les promesses d’Edumix à une commande de chaises à roulettes

Crédit photo : Sandra Lalanne

À l’heure actuelle, qui ne souhaiterait pas trouver sa place et « se construire » au sein d’une École renouvelée où il fait « bon travailler » et étudier mais aussi manger, discuter, se cultiver et cela avec plaisir et engouement tout au long de sa vie ?

Dans cette perspective, Edumix se présente avant tout comme un dispositif performatif pragmatique, désireux de travailler les conditions d’un renouvellement choisi, d’une transition consciente, localisée et à visage humain.

En première lecture, ce dispositif apparaît comme issu de la seule mise en œuvre d’un cahier des charges prédéfini par ses concepteurs, d’une technique de management et d’agencement au sein d’un espace dédié. Mais l’expérience vécue et l’observation participante rend compte de bien d’autres caractéristiques, plus symboliques et sociales que stratégiques, qui laissent entrevoir une prise en compte d’effets encore impensés et par conséquent des « possibles inexploités ». Mais cela, à condition de s’éloigner des écueils du spectaculaire, du « one shoot » court-termiste, ou encore d’éviter le constat du « tout ça pour ça » affairiste qui résumerait les résultats d’Edumix à la seule mise en service de « chaises à roulette colorées ».

Enfin, il s’agira pour assurer à terme la pérennité et la légitimité sociale de ce dispositif de se préserver, semble-t-il là encore, d’une réinterprétation du scénario « il faut que tout bouge pour que rien ne change » de nouveaux princes opportunistes.

D’autres défis sont à l’œuvre

Pour chacun et chacune des 120 participants, rien de moins ordinaire, évident et naturel que de s’inscrire à Edumix. L’inscription dans ce dispositif relève d’une certaine forme de courage. Au-delà des sept défis programmatiques et prédéfinis, sur lesquels l’équipe de direction demande de s’entendre, de plancher, d’abonder ensemble… c’est aussi à d’autres défis plus personnels, plus politiques et symboliques auxquels il faut répondre individuellement et collectivement. Ces défis sont le propre des rites spécifiques de l’épreuve.

Le défi d’« en être »

Il s’agit en premier lieu de relever en son nom propre le défi de la participation volontaire. Pour l’immense majorité, c’est « une première ». Présentée comme un événement inédit, la forme inaugurale demande une mobilisation pleine et entière des corps et des esprits. Il faut assurément une cause à défendre, un cheval et une bataille à gagner et donc une croyance forte pour s’y rendre, s’engager pendant trois jours.

Le défi de « faire un »

Avec Edumix il s’agit de répondre à l’incitation faite de réaliser collectivement quelque chose de peu commun, sinon de difficile à réaliser. On est dans la recherche de l’extra-ordinaire, de l’exceptionnel et de la collaboration inédite. On ne se connaît pas dans cette situation. Mais ils ou elles sont venu(e)s aussi pour prêter main forte. Edumix se présente dès lors comme un processus d’agrégation avec comme visée et/ou contrainte de « faire un ». Cette visée s’accompagne de la condition de construire une nouvelle communauté ad hoc à la fois nécessaire pour le temps et le fonctionnement de l’événement, mais aussi pour garantir l’après. Groupe hétérogène dans sa composition, il se trouve soudé et relié par un ensemble d’expériences, de solidarités vécues, et de partages d’intérêts communs.

Cet attendu du « faire ensemble » s’éprouve. Il s’agira alors de mettre de côté tout ce qui risque de mettre en péril « le convivial », la « communauté » attendue. Les griefs, les divergences intestines, les plaintes seront pour un temps, mis de côté, pour garantir la mise en mouvement d’Edumix et la mise en réseau des futures éditions.

Le défi d’une suspension du temps quotidien

Le défi est aussi celle d’une résiliation temporaire, celle des relations sociales et symboliques établies ordinairement. Les relations professionnelles hiérarchiques sont provisoirement abolies. Les nouveaux rapports établis avec les autres deviennent plus symétriques. Cette fois-ci, enseignants, étudiants, personnels administratifs, créateurs, praticiens sont tous égaux dans le travail, tous sur le devant de la scène et unis face aux objectifs à réaliser mais aussi face à ceux que l’on s’est fixé d’un commun accord, par équipe.

Le défi de la contestation de l’autorité et de ses modalités d’action instituée

Avec Edumix, il est question de « faire autrement » et d’éprouver d’autres méthodes, de se donner d’autres objectifs. A sa manière, Edumix est une contestation de l’ordre social établi et des contraintes de structure.

Aussi à sa manière, Edumix constitue-t-il, une « déclaration » de guerre froide. Il est un défi lancé à la tête de ceux qui ordinairement dirigent, décident d’en haut pour ceux d’en bas. Le défi devient une attitude, une posture. Il s’agit de montrer et de démontrer que le « faire ensemble », que l’intelligence collective, le partage des ressources et la production de biens communs ne sont pas des mots vains.

Edumix : un projet politique ?

Changer le jeu politique – même pour trois jours – suppose la création d’un nouveau sujet politique. Il a été dit ci-dessus que la communauté est objet d’Edumix. A l’origine, ce dernier émane d’une intention et de pratiques initiales de quelque uns (Direction de l’école, IRAM-Télécom Saint-Étienne, Erasme), la communauté n’existe pas encore. La mise en œuvre concrète d’Edumix propose un changement de nature. La simple liste administrative de participants inscrits, se transforme en un système (la communauté de pratique du LearningLab Network).

Vu sous cet angle, la diffusion d’Edumix, sa pérennisation dans le temps serait le résultat d’un nouveau pacte fondateur, autour de la mise en place d’une organisation coopérative à partir d’une implication volontaire et animée.

Le mérite d’Edumix tiendrait dans sa capacité (son opérativité) à construire des sujets, à faire émerger un sentiment d’appartenance à une communauté. Ce qui oblige à se demander si cette forme d’ex-position au sens fort du terme n’est pas à considérer comme un des moyens que les écoles, les collèges, les universités réunis en leur nom propre se donneraient pour constituer leur propre forces (ressources), leurs lieux d’activité pour se refonder.

 

Article rédigé par Loïc Étiembre – Enseignant-chercheur en SIC – IRAM-Télécom Saint-Étienne